ALBUM - I-Octane - My Journey - Chronique par jason Moreau - 16 AVRIL 2014
Par Party Time le mercredi 16 avril 2014, 12:00 - Albums/Singles - Lien permanent
La reggaemobile a besoin que l'on y injecte un hydrocarburant riche en octane. Validé par ses aînés à l'instar de Capleton, Buju Banton ou encore Bounty Killa, I Octane est devenu à seulement 29 ans un grand de la scène internationale de reggae. Lucide mais bon vivant, romantique et fédérateur, le jamaïcain a grâce à cette voix rare et atypique rapidement su séduire le public à coups de hits efficaces et de titres conscients percutants. Deux ans après son premier album bien accueilli « Crying to the nation », il nous présente « My journey » : projet consciencieux et plus ouvert d’esprit.
« My journey » d’I Octane : l’album de la confirmation
Méticuleux mais fidèle aux fondations
I Octane est en forme et livre un album à la hauteur de son talent. Ce qui fait sa force est sa capacité à produire des morceaux à tendance roots de qualité puis de doubler la mise sur un riddim dancehall. Digne héritier de ses pairs Sizzla et Capleton reconnus pour avoir ces mêmes facultés. Et pour preuve : « Crying to the nation » alliait la dynamique de No love inna dem avec le righteousness du titre reggae All we need is love en présence de Tarrus Riley. Ce second opus permet à I Octane de franchir la frontière entre la nouvelle génération dont il est issu et la catégorie des poids lourds où il méritait sa place. « My journey » se veut méticuleux de par les choix opérés sur le plan artistique comme dans le contenu des textes. En proposant des morceaux majoritairement « roots » mais complétés par des riddims modernes, l’artiste a souhaité peaufiner son identité musicale sans risquer de voir trop large. C'est donc naturellement que l'album s’introduit sur les notes reggae de Time will come, I Octane restant fidèle aux solides fondations. Au niveau des collaborations, les quelques-unes apportent un crédit marketing et surtout artistique utile et en accord avec l'univers d'I Octane. La voix de la ravissante Alaine sur l'étincelant Lighters up apporte une douceur nécessaire à un opus bien plus ouvert d'esprit que son précédent. Agréable surprise, la connexion inédite avec Gentleman sur It's alright, sans doute sur le podium des titres de cet album multi-sonore. Excellent morceau qui allie l'efficacité et la maîtrise de l'allemand au flow mélodieux du jamaïcain, prouvant une fois encore qu'il est dans l'élite. Le pyromane Capleton aurait été présent sur ce morceau que le classique était gagné.
L’album de la prise de recul et de la sagesse
I Octane démontre tout au long de « My journey » qu’il s’est enrichi en expérience artistique et
humaine. On le découvre moins dans l'amertume, plus dans le righteousness. Une sagesse qui
s'illustre dans Time will come; chanson remplie d'espoir pour l'avenir de la jeunesse jamaïcaine:
« N'abandonnez jamais le combat,
Même si ça n'est pas une vie facile [...]
Votre heure de gloire viendra, soyez-en sur...
Alors ne vous inquiétez mes sœurs et soyez tranquilles mes frères... »
L'amour semble être après tout le meilleur bouclier pour s'armer et se protéger du monde cruel dans lequel on vit. I Octane est un lover et aurait très bien pu se permettre de glisser quelques 3 voire 4 chansons d'amour platoniques, mais non. Il nous confie l'amour passionnel et pur qui l'habite sur Love you like I do. Un homme qui assume sans complexe ses sentiments ainsi que sa sensibilité, ce dont les femmes raffolent. Les chansons d'amour limitées au discours lassant qu'on connait se comptent par centaines, même dans le reggae. C'est pourquoi I Octane double la mise avec I Will be there, assurant de sa loyauté en plus de son soutien indéfectible à celle qu'il place au centre de ses attentions quotidiennes.
La collaboration avec le rappeur-rockeur-chanteur Ky-mani Marley sur le très hip hop A yah wi deh est un pari réussi pour I Octane qui alterne les styles et les humeurs. Mélodie conquérante pour morceau cri de guerre, l’amour étant leur principale arme: |
« My journey » reste dans l'ensemble un projet de caractère, d’énergie et de lucidité. L'effort de
ne pas s’être cantonné de « burn babylone » ne passe pas inaperçu et I Octane a su confirmer sa
position d'artiste courant droit vers le sommet, lui qui partageait en avril 2012 la scène parisienne
du reggae splash tour aux côtés entre autres de Bounty Killa, Anthony B ou encore Richie
Spice. On prend plaisir à écouter un disque cohérent, multi-facettes et à la pointe des sonorités
actuelles. Bien que la tradition de dénoncer le système soit respectée, le righteousness reste la vibe
dominante sur cet album. Moins de dénonciation pour plus de prise de recul, l'artiste réfléchit
avant de cogner mais place des coups puissants, bien pensés et stratégiques. I Octane profite du
moment présent et en est heureux.
Chronque par Jason Moreau pour Partytime.fr