ALBUM - KRYS – Dancehall is back - Chronique par Jason Moreau - 18 JUIN 2014
Par Party Time le mercredi 18 juin 2014, 16:30 - Albums/Singles - Lien permanent
En 2014 on a vu tout un florilège de groupe de "reggae roots" émerger sur la scène francophone. Mais qu'en est-il du dancehall? Bien sur nous avons en tête les figures incontournables de ce style plus "dancefloor" tels que Daddy Mory, Mad Killah ou Azrock. Mais quand on évoque la nouvelle génération, il y en a un qui se détache naturellement: Krys. Il revient en 2014 avec son nouvel album "Dancehall is back" que notre collègue Jason Moreau a su explorer afin de vous livrer une chronique objective qui vous donnera une première lecture en attendant son passage dans l'émission de Dimanche (22 JUIN 2014) où il viendra nous présenter ce nouvel opus.
Krys – Dancehall Is Back
S’il y en a un à avoir compris que même la musique caribéenne est une industrie, c’est lui. Révélé en 2004 avec An vlé an gyal, Krys se démarque à coup de tunes bien taillées qui après avoir fait l’unanimité aux Antilles deviendront ses premiers classiques. A seulement 21 ans, il sort le maxi de 10 titres « Limé mic’ la » qui vient le confirmer comme titulaire indiscutable sur la scène dancehall. Le ton est donné avec V.I.P, Programme de la semaine, Gardes-cocottes ou encore Mouvman la : la machine à hits est en route et compte traverser l’Océan Atlantique. L’année 2006 est alors celle de la confirmation pour Krys qui présente son album « K-rysmatik » dans la foulée de sa signature chez Universal Music France. Les succès de Dangereuse et Caroline lui permettront de séduire une partie du public hexagonal tout en restant fidèle à son premier amour : il les réunit à l’Olympia la même année, puis au Zénith un an plus tard. 4 ans après son album « Step out », Krys promeut le retour de la dancehall au sommet des charts avec son troisième opus #DancehallIsBack.
« Artiste
numéro uno, producteur numéro uno ». Krys introduit
#DancehallIsBack avec une humeur égotrip assumée dans le titre
éponyme #DIB. La scène dancehall est un milieu hostile, une
compétition entre deejays qui doit rester aussi saine que sérieuse.
A l’heure où plusieurs artistes américains samplent Vybz Kartel
ou Busy Signal, l’artiste guadeloupéen tenait à proposer un album
crédible – au moins dans la forme – qui illustre ce qui se fait
de mieux en matière de dancehall en France. Il faut dire qu’après
avoir opéré un retour aux racines de la dancehall underground en
2007 avec « Renaissance », Krys avait quelque peu perdu
l’essence de sa musique sur « Step out » en 2010,
occupé à élargir son public avec des morceaux comme Soldats
en
featuring avec Soprano. Ce qui ne l’avait pas empêché de signer
le hit de l’été 2010 Bootyshake.
Mais il a retenu la leçon et s’est décidé à produire ce qu’il
sait faire de mieux : des hits caribéens qui font danser les
foules de jour comme de nuit.
Début de l’été oblige, c’est donc sans surprise que les pistes Dancehall addict, Mercy ou encore ToulaO avec le jamaïcain Konshens viennent installer cette ambiance de vacances où sun, tchill and dance sont de rigueur. Mais le patron du label Step Out Productions qui produit notamment l’album à venir d’X Man voit plus loin qu’on ne le pense. Les albums dancehall étant littéralement absents des charts français et des playlists, Krys suit l’exemple donné par Sean Paul sur « Full frequency » et s’efforce de ramener le temps du titre Pa ni pwoblèm le soleil, les plages et l’ambiance des Antilles dans l’univers électro. On aime ou pas, mais Krys met tout en œuvre pour que la dancehall francophone effectue un retour fracassant dans les discothèques françaises, quitte s’inspirer de la K-POP de Psy pour donner l’african pop Put your hands up.
A quelques exceptions près, les 15 pistes de #DancehallIsBack nous invitent dans un univers qui tourne au rythme de l’ambiance caribéenne. Malad’ aw n’échappe certes pas à la règle, mais se présente la grande surprise dans la mesure où Krys nous parle d’amour de manière plus naturelle avec à ses côtés son compatriote Sadik qui apporte au morceau une dimension réaliste de par ses paroles spontanées.
Krys fait partie de ceux qui ont contribué à démocratiser la dancehall en France. Malgré son succès grandissant, il n’a jamais cessé de rester attaché à ses racines ainsi qu’à ses convictions. Il chante le morceau My friend avec une émotion frappante, témoignant de l’amour sans faille qu’il porte à ceux qu’ils remercient de leur soutien indéfectible malgré les épreuves traversées :
« Mon ami, plus les années passent
et plus je me rends compte de ta loyauté,
On
a tout traversé ensemble,
et on est toujours resté vrai,
J’ai
pas honte de te dire que je t’aime,
je te le dis droit dans les yeux, mon ami. »
#DancehallIsBack
est un album ambitieux et audacieux, à mi-chemin entre la dancehall
« commerciale » et la dancehall pure. N’en déplaise à
certains puristes, Krys a désormais un public bien plus large que la
plupart des artistes du même registre. Ce disque ravira donc autant
le public des Antilles que ceux qui découvrent cette musique en
discothèque ou à la radio. On note cependant le manque de
collaborations inattendues notamment sur le hip hop de Murderer
où l’absence d’un rappeur français comme La Fouine se fait
ressentir. Mais l’essentiel est là et le plaisir au rendez-vous
tout au long de cet album nécessaire pour Krys qui conforte sa
position sur le long terme, toujours dans ce souci de cohérence
entre son identité antillaise et son évolution artistique à
laquelle il n’impose pas de limite. Dancehall must go on. Et on
peut compter sur Krys pour y contribuer.