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« Chimen chyen » de Mali : un album à mi-chemin entre le rap et le reggae-dancehall

Du hip hop sauce créole
Mali_1.jpgMali a choisi de miser sur le hip hop kréyol et son identité antillaise, il l’assume, la revendique et la raconte tout au long des 16 mesures de ses couplets. Sérieux dans sa démarche, il se sert du hip hop pour son caractère riche de contenu sans faire l’impasse sur le côté divertissant. « Chimen chyen » logiquement à l’image de l’artiste nous propose des sonorités caribéennes de long en large, complétées de rythmes plus urbains. Le rappeur martiniquais n’a pas hésité à s’enrichir parmi ses multiples influences musicales qui viennent « créoliser » son hip hop. Pour cela, il s’est entouré d’une valeur sûre de la musique caribéenne, DJ Gil, qui a réalisé ce projet. Là où un rappeur classique aurait opté pour des beats purement rap, Mali s’appuie sur des mélodies composées d’instruments comme le piano, la guitare et même le saxophone, le tout sans dénaturer son approche de la musique tout au long de cet album. Coté collaborations, on retient surtout le trip Ou ja konnèt avec le guadeloupéen Riddla, qui assure un single ambiançant et efficace en guise de transition vers la seconde partie de cet opus aux 15 titres. Vakans time qui fait également des titres les plus intéressants devrait trouver sa place dans les playslists durant les vacances d’été. Le MC a su prendre des risques pour proposer autant de sonorités que d’humeurs : belle surprise avec Voyagé, morceau reggae très réussi sur lequel Mali débite à coup de rimes aiguisées son envie de s’en aller loin cette société qui s’autodétruit. 

MALI___Chimen_Chyen_2.jpgUn état des lieux de la société antillaise
Depuis ses premiers morceaux, « nèg môn’ rouj la » (le nègre du Morne Rouge) nous a habitué à des textes de contenu. « Chimen chyen » est une lettre ouverte à tous les ultramarins: un état des lieux de la société antillaise. La majorité des problèmes de société est abordée : la précarité, les violences, et surtout la mentalité globale de la communauté.
Malgré tout, Mali reste optimiste et introduit avec un message fort dans Nés pour briller :
« Malgré les cicatrices on continue le combat pour un avenir meilleur
Venus en bateau, on repartira en soucoupe,
Un pied dans le futur, on n’oublie pas pour autant le passé
 Et je sais que la route sera longue pour nous remettre de tous nos séquelles. »






Hors de question de s’apitoyer sur son sort. Mali invite les siens à sortir de l’assistanat social pour se construire avec le peu qu’ils ont, en comptant avant tout sur eux-mêmes. Il reprend à cet effet le tube Pa ni travay de Daniel Sigere sorti en 1979 et propose Travay en guise de version moderne au discours dans l’air du temps :
« J’ai toujours dit qu’aux Antilles on a du potentiel,
A nous de l’exploiter pour évoluer jusqu’au ciel,
On n’est pas seulement performant dans le sport,
On a des facultés à utiliser à bon escient… »

Mali_2.jpgPour autant le MC n’est pas utopiste. Il sait que le changement socio-économique ne peut s’opérer que par la force d’une prise de conscience collective des antillais eux-mêmes. En guise d’appel au réveil, Mali unit sa voix à celle de ses compatriotes Straïka D et Blackalicious sur Manmay lévé :
« Consterné d’entendre certains dirent qu’ils se sentent pas concernés
Alors que depuis des décennies les békés sont tout-puissants
Ils nous aveuglent à coup de crédits,
Pendant que les touristes pensent que l’agriculture profite à toute l’économie »

Mali nous livre un album aussi personnel qu’engagé, aussi drôle que révoltant. Il nous raconte son histoire, le quotidien tantôt magique tantôt tragique de son île. On regrette néanmoins le manque d’ambition marketing et commerciale attribuée à cet album, pénalisant ainsi sa promotion à l’échelle caribéenne et outre-Atlantique. Mais l’essentiel est là : Mali nous propose une alternative avec son hip hop kréyol. « Chimen chyen » est un projet abouti, sérieux qui montre que les itinéraires qui mènent à la découverte de la culture caribéenne sont nombreux.